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Alors, école ou pas école?

Voilà depuis quelques jours, on nous annonce le déconfinement, et le retour de nos petites têtes, blondes, brunes ou rousses dans les écoles. Petit mail de la maîtresse qui nous demande si nos bambins retourneront à l’école. Personnellement, j’en ai aucune idée car je suis tout simplement incapable de prendre une telle décision : entre les injonctions « Restons à la maison », les articles de presse qui génèrent plus de l’anxiété qu’une réelle information… je suis perdue.

Pour m’aider à prendre une décision, j’ai donc contacté Dr Marie Trellu, pédiatre, qui a accepté de répondre à nos questions.

Metiss’Family : Selon la société française de pédiatrie, les études montrent que les enfants sont peu concernés par le COVID. L’étude de Wu et McGoogan publiée dans le JAMA du 24 février, suit les 72 314 premiers cas. On compte seulement 2% d’enfants de moins de 19 ans. Sun et al (The lancet Digital Health) font une étude sur 507 patients et n’observent que 3% de cas pédiatriques. Il semblerait que les enfants soient en réalité très peu touchés par le COVID.  Est-il possible que les cas d’enfants soient sous diagnostiqués ou sont-ils réellement moins nombreux à contracter la maladie?  

Marie Trellu : En premier lieu, je tiens à préciser que les connaissances évoluent de semaines en semaines sur le sujet donc  je crois qu’on peut émettre des hypothèses probables mais pas de certitudes. Les réponses apportées dépendent de ce que nous savons ce jour.

En ce qui concerne les enfants, ils sont moins souvent symptomatiques que les adultes, c’est-à-dire qu’ils ont tendance à moins présenter les symptômes de la maladie à savoir fièvre, toux, difficulté respiratoire… Beaucoup n’ont même aucun symptôme. Du coup, ils sont de ce fait moins souvent diagnostiqués.

Pour savoir s’ils sont réellement moins nombreux, il faudrait dépister tout le monde. A noter que lors de l’épidémie de coronavirus SRAS en 2003, les enfants étaient également moins touchés par la maladie et s’ils étaient malades, ils ne faisaient pas de forme grave.

MF : A-t-on des explications au fait que les enfants présentent moins de symptômes?  

MT : Il n’y a que des hypothèses sur pourquoi les enfants sont moins touchés. Leur immunité acquise est différente et leur corps réagit différemment face au virus. Leur système immunitaire s’emballe moins lorsqu’il rencontre le virus.

MF : La vitesse de propagation du virus est-elle différente chez les enfants?  

MT : Aucune preuve sur ce sujet là non plus.

MF : L’étude de Wong et al. dans la revue Pédiatrics menée auprès de 2143 cas, (dont 731 confirmés), montre que 112 cas ont été sévères, si on ramène aux cas confirmés, ça fait 1/7. N’ayant pas le détail des études, j’ignore si les 112 font partie des 731 ou des 2143. A l’opposé en Italie, 1% des cas au 23 mars étaient des enfants, le taux d’hospitalisation était de 11%. Aucun enfant n’a été admis an soin intensif. On voit donc des situations très différentes selon les pays.  

Existe-t-il un lien entre la santé de l’enfant et le risque pour lui d’attraper la maladie, ou de développer une forme plus grave?  

MT : Il semblerait que l’âge soit le facteur le plus important : avant 10 ans les formes graves sont rarissimes. Les adolescents obèses seraient, à l’inverse, plus à risque.

Pour les nombreux enfants asthmatiques de la Réunion, il n y a pas de preuve qu’ils fassent des formes plus graves de la maladie . Le bon sens doit faire rester tout de même prudent car il semblerait logique qu’un enfant asthmatique puisse décompenser son asthme à l’occasion d’une infection respiratoire, comme c’est le cas pour la grippe par exemple.

Il y a pour le moment peu de cohorte d’enfants hospitalisés pour mener des études, c’est alors difficile d’établir des liens avec certitude.

MF : Existe–t-il des contextes particuliers où il est préférable de continuer le confinement?  

Effectivement, si un des parents est à risque (liste donnée par le Haut Conseil de Santé Publique : diabète, hypertension, fin de grossesse, cancer, obésité sévère etc… pour en savoir plus, vous pouvez cliquer ici). Le communiqué du 20 avril liste les personnes à risque, et comme c’est beaucoup plus compliqué et il est préférable d’être prudent.

Il y a un topo bien fait et rassurant pour les familles sur le site de l’AFPA (Association Française des Pédiatres Ambulatoires) et des précisions de la Société  Française de Pédiatrie pour chaque spécialité (pneumo, endocrino, neuro pédiatrie etc ). On y trouve beaucoup d’informations. Pour en savoir plus vous pouvez cliquer ici: Site AFPA

Il faut aussi prendre en compte les risques du confinement prolongé sur le développement et l’épanouissement de l’enfant, et le risque de maltraitance de la part de parents à bouts de nerfs.   

MF : Je vois certaines mamans donner à leurs enfants des compléments alimentaires pour améliorer le système immunitaire de leurs enfants. Personnellement, je fais aussi attention à leur alimentation dans cet esprit: en augmentant notamment la consommations de fruits et de légumes frais. Est-ce que c’est pertinent?  

MT : Rien n’est prouvé à ma connaissance, concernant les vitamines ou les plantes. J’attire cependant l’attention des parents concernant les huiles essentielles qui sont à utiliser avec grande prudence avant 3 ans. 

Une alimentation saine, riche en fruits et légumes est toujours bénéfique pour la santé de l’enfant en général. 

4 dessins créés par Eléonore Thuillier, l’illustratrice des livres Loup, vous pouvez les télécharger gratuitement ici

MF : Existe-t-il des moyens spécifiques de prévention chez les enfants?  

MT : Pas à ma connaissance, si ce n’est les gestes barrières valables pour tout le monde.

La fondation ORAPI propose aussi des cocotes pour faire apprendre les gestes barrières aux enfants. Pour la télécharger, vous pouvez aussi cliquer ici

MF :  Quels sont les symptômes qui doivent absolument m’alerter et me conduire à consulter immédiatement?  

MT : Si l’enfant est gêné pour respirer : difficulté pour parler, respiration trop rapide, apparition des côtes ou d’un creux au-dessus du sternum à chaque inspiration, difficulté à manger à cause de l’essoufflement. Dans ce cas, il faut téléphoner à son médecin ou appeler le SAMU (Faire le 15) mais pas se déplacer directement au cabinet  médical.

MF : On entend beaucoup de choses sur le traitement à la chloroquine et au regard de ce que nous lisons dans la presse grand public, ça semble efficace. Est-ce qu’il est utilisé à La Réunion? Est-ce que les enfants peuvent en bénéficier? Existe-t-il des contre indications? 

MT : Les études sont en cours pour l’efficacité. Pour le moment chloroquine n’est utilisé en essai dans certaines formes graves. Le médicament a des effets secondaires notamment sur le rythme cardiaque. Dans tous les cas, on ne l’utilise pas en ambulatoire (à la maison) et encore moins en automédication.  

De même, si un enfant présente de la fièvre il est possible de lui donner du paracétamol (Doliprane) mais surtout PAS d’automédication avec AINS (Advil etc ). De même les corticoïdes oraux (Célestene) sont aussi à bannir (nb : les enfants asthmatiques sous corticoïdes inhalés type flixotide peuvent par contre poursuivre leur traitement).

En résumé, il est possible d’envisager un retour à l’école ou à la crèche, sauf s’il y a des personnes à risque dans le foyer (grands-parents, parents, enfant..) et dans tous les cas avec des précautions d’hygiène. 

Pour les crèches et les écoles maternelles : les gestes barrières seront difficiles à garantir mais le risque faible à cet âge pour les enfants. Le risque est plus pour les adultes qui travaillent dans ces structures et pour les parents que pour les enfants eux mêmes .

Pour les enfants grands et particulièrement les adolescents obèses, il est conseillé de leur donner un masque, au moins pour les trajets vers l’école et les inter-classes puisqu’il semblerait que le risque soit accru pour cette cette classe d’âge. Beaucoup de parents me questionnent sur l’intérêt de mettre des gants : je pense que c’est une fausse sécurité. Un bon lavage de mains avec du savon, les ongles coupés à ras et sans vernis, sans bague ni bracelet, est plus efficace.

De même, si on utilise un masque pour son ado , il faut lui apprendre à l’utiliser : un masque mal utilisé, que l’on touche avec ses doigts ou qui ne recouvre pas le nez et la bouche ne sert à rien. Pire : on se sent protégé donc on fait moins attention à la distanciation.

Enfin, il est important  de maintenir le suivi des enfants durant cette période, surtout ceux porteurs d’une maladie chronique +++. Ne pas annuler ou reporter vos rendez-vous sans en avoir discuté avec votre médecin. Les vaccins des bébés doivent être poursuivis. Et courant du mois de juin, les enfants asthmatiques doivent être vaccinés contre la grippe.

En cas de questionnement, vous pouvez appeler le 0800 130 000 pour des questions générales. En cas de symptômes et de détresse respiratoire appelez le 15!